Dossier : MacGeneration
26,74 milliards de dollars de chiffre d'affaires, 6 milliards de dollars de bénéfices, 4 millions de Mac vendus, 16,24 millions d'iPhone écoulés, 7,33 millions d'iPad au pied des sapins : ce premier trimestre fiscal 2011 s'ouvre sur des chiffres impressionnants.
C'est le directeur financier d'
Apple Peter Oppenheimer qui a ouvert la traditionnelle conférence de présentation des résultats financiers. Il se dit «
extrêmement satisfait » par ces résultats record, et on le comprend. Il était accompagné de
Tim Cook, directeur général d'
Apple et numéro 1 effectif depuis le départ de
Steve Jobs en congés pour raisons médicales.
Voici donc quelques clefs pour déchiffrer ces résultats, à la lumière des réponses des dirigeants d'
Apple aux questions des journalistes et investisseurs.
Un trimestre record La croissance annuelle des ventes de Mac est de 22,92 % : c'est huit fois la croissance moyenne des ventes d'ordinateurs personnels (3 % selon IDC). Apple a enfin dépassé la barre des 4 millions avec 4,13 millions d'unités vendues, dont 2,91 millions de Mac portables, le segment avec la plus forte croissance. Selon
Oppenheimer, le renouvellement de la gamme MacBook Air a eu un impact extrêmement bénéfique sur les ventes d'Apple et il serait responsable de l'essentiel de la croissance des ventes de portables, ce qui indiquerait un très fort succès. L'international, qui représente 62 % du chiffre d'affaires ce trimestre, est le réservoir de croissance d'
Apple : les marchés asiatiques et japonais connaissent une croissance de plus de 50 %.
Les boutiques d'
Apple ont permis la vente de 851 000 Mac, un chiffre en progression de 24 %. Les 4 boutiques chinoises sont celles qui cumulent le plus grand nombre de visites et le plus grand chiffre d'affaires dans le monde. La firme de
Cupertino s'en tient à son chiffre magique : 50 % des Mac vendus le seraient à des switcheurs.
Pour clore le chapitre Mac, le directeur financier d'
Apple a fait un détour par le Mac App Store, sans pourtant donner de nouveaux chiffres : il s'en tient au million de téléchargements le premier jour.
Le trimestre de Noël est traditionnellement le meilleur pour l'iPod, même si la gamme de baladeurs d'
Apple est moins flamboyante qu'elle n'a pu l'être, à l'ombre de l'iPhone et de l'iPad. C'est d'ailleurs iOS qui dynamise l'iPod : l'iPod touch représente plus d'un iPod vendu sur deux, soit au moins 9,8 millions d'iPod touch vendus ce trimestre, c'est-à-dire autant d'iPod qu'
Apple a vendu au dernier trimestre et une croissance de 27 %.
Le chiffre d'affaires d'iTunes est en hausse de 1,164 milliard au T4 2010 à 1,431 milliard de dollars ce T1 2011. Cette petite pointe d'activité dans un secteur traditionnellement assez calme chez Apple s'explique par le succès de l'arrivée des Beatles sur l'iTunes Store, l'ouverture de la section films au Japon. Les utilisateurs iTunes téléchargent désormais 400.000 épisodes de séries TV et 150.000 films par jour.
Les stars de ce Noël sont sans aucun doute les appareils iOS :
Apple a vendu 16,2 millions d'iPhone. Avec une croissance de 86 % par rapport à 2010, l'iPhone croît plus vite que le marché : il devrait donc gagner quelques points de parts de marché. Le panier moyen sur l'iPhone s'établit à 625 $. 88 entreprises du
Fortune 100 et 60 % du
FT Europe 100 testent ou ont déployé l'iPhone :
Apple indique que son smartphone est bien implanté dans le marché de l'entreprise. De même, 80 % des entreprises du
Fortune 100 se sont emparés de l'iPad, contre 65 % il y a trois mois.
Apple a vendu 7,3 millions d'iPad, une croissance soutenue par une augmentation du stock tournant de 525.000 unités par mois — ce qui n'est cependant pas suffisant pour répondre à la demande :
Apple travaille donc en flux tendus.
Ce sont désormais 160 millions d'appareils iOS (iPhone, iPad et iPod touch) qui sont en circulation.
La marge augmente légèrement grâce à une meilleure organisation (le domaine de Tim Cook), notamment en ce qui concerne les coûts de transport et l’assistance technique.
Apple possède désormais 59,7 milliards de dollars en caisse, toujours sans aucune dette.
Produire suffisamment pour répondre à la demande : un risque opérationnel chronique Les ventes record d'iPhone et d'iPad, supérieures à toutes les estimations, montrent que la demande ne faiblit pas, bien au contraire :
Apple a par exemple vendu autant d'iPad pendant les trois derniers mois de 2010 qu'elle n'en avait vendu les six mois précédents. Malgré une augmentation de la production,
Apple ne parvient toujours pas à répondre à la demande, même si l'écart se réduit.
Tim Cook n'a cette fois-ci pas communiqué sur l'ampleur du retard pris par la production sur la demande.
Il compense en commentant certains aspects de la chaîne de fabrication : grâce aux accords avec les fabricants de RAM,
Apple n'a peur ni d'une augmentation des prix, ni d'un risque de pénurie. Ce genre d'accords est à la base de la stratégie d'
Apple, comme l'est la conception de composants sur mesure, comme le processeur A4, afin de s'extraire des pressions habituelles du marché des fournisseurs.
Un point assez intrigant est venu émailler cette partie de la conférence, celui de l'utilisation des réserves de cash d'
Apple pour passer des accords d'exclusivité : ceux-ci ne sont pas étonnants, on sait qu'
Apple aime à assécher le marché pour s'assurer un avantage. La mention d'un accord stratégique de deux ans et 3,9 milliards de dollars (dont 1,05 milliard ce trimestre), lui, est beaucoup plus mystérieux : il rappelle le hold-up que
Tim Cook avait orchestré en 2005 sur le marché de la DRAM, assurant l'avance technologique de l'iPod. Si on devait placer une pièce sur le sujet de cet accord, on la mettrait sur la case « écrans de haute définition ».
La forte croissance d'Apple en Asie-Pacifique Le chiffre d'affaires généré par les Apple Store a presque doublé en un an : ils représentent 18,7 % du CA d'Apple. Mais ce n'est rien comparé à la croissance de la zone Asie-Pacifique, 83 % en trois mois, 175 % en un an ! La Grande Chine (Chine continentale, Hong Kong, Taiwan) est un marché stratégique pour
Apple. Les 4 Apple Store chinois sont les plus visités et les plus profitables du monde : ces trois derniers mois, la Chine a généré 2,6 milliards de dollars de chiffre d'affaires pour
Apple, soit plus de la moitié du chiffre d'affaires de la zone Asie-Pacifique… et l'équivalent du CA
Apple chinois pour l'année fiscale 2010.
Japon et Corée du Sud sont deux autres marchés importants pour
Apple dans la zone et réalise une croissance de 83 % sur l'année dans le premier, et se permet de régulièrement battre les chiffres de ventes de
Samsung ou
LG sur le marché du smartphone coréen, alors que les deux poids lourds jouent à domicile.
La stratégie à long terme Les mêmes analystes et observateurs responsables d'une déferlante de rapports et rumeurs plus ou moins de mauvais goût sur
Steve Jobs ces dernières heures s'en sont tenus à une discrétion qu'on ne leur connaissait pas sur le sujet pendant cette conférence. La seule question faisant allusion au congé du PDG d'
Apple a concerné la stratégie à long terme de la firme de Cupertino. «
[Ce flou sur la stratégie à long terme] fait partie de la magie d'Apple, et je ne veux livrer les clefs de cette magie à personne, car je veux que personne ne puisse nous imiter », a confié
Tim Cook. Rassurant, le DG d'
Apple assure que la société «
délivre son meilleur travail […] L'équipe a une incroyable variété et densité de talents, une culture de l'innovation inculquée par Steve [Jobs], et l'excellence est devenue une habitude ».
Bref, le départ sans date de retour du patron d'
Apple ne devrait pas entraîner de catastrophe à court, moyen ou long terme, tant ses idées ont infusé dans la société, véritable corps constitué autour des idées et des principes de son co-fondateur. «
Je suis confiant dans l'avenir de la compagnie », exprime un
Tim Cook qui ne pourrait pas dire autre chose. Les chiffres sont en sa faveur : la croissance du Mac est supérieure à celle du monde du PC depuis près de 5 ans, l'iPhone a un potentiel de croissance qui reste énorme, et l'iPad a l'avantage de la primeur sur un marché qu'elle a pour ainsi dire créé.
L'iPad n'a pas de concurrence Ces trois marchés sont cependant très concurrentiels, et ils évoluent très vite. Sur le front des tablettes,
Tim Cook estime que l'iPad n'a pour le moment pas de concurrence ou presque, ce qu'il est difficile de nier. Il divise cette concurrence en deux segments en tous points différents : d'une part les Tablet PCs («
plutôt gros, lourds, chers, avec une autonomie laissant à désirer […] de notre point de vue, les consommateurs ne s'y intéressent pas »), d'autre part les tablettes sous
Android.
«
Sur la gamme de tablettes Android proposées, l'OS n'est pas vraiment adapté. Ce n'est pas une vision des choses déformées par le prisme d'Apple, c'est Google lui-même qui le dit ». Il réaffirme que le format 7" n'est pas le format optimal : «
on se retrouve avec une sorte de smartphone agrandi, un produit que nous trouvons bizarre », assène-t-il à l'encontre de la Galaxy Tab, poursuivant «
franchement, j'ai du mal à comprendre ; je crois que si on fait une comparaison avec l'iPad, un pourcentage écrasant des gens va choisir l'iPad ».
Bref, ces tablettes-là n'inquiètent absolument pas Apple.
Le cas des tablettes présentées au CES requiert l'attention d'
Apple, mais «
ces tablettes ne sont pas encore sur le marché, difficile de se prononcer. On n'a pas leurs performances, leur prix, leur date de sortie : pour le moment, ce ne sont que des spectres de tablettes ». Il ne les balaie cependant pas d'un revers de la main : «
nous les prendrons en considération lors de leur sortie ».
Tim Cook estime que le fait que l'iPad soit arrivé en premier sur le marché donne à
Apple un énorme avantage, celui du temps d'avance, de la faculté de répondre du tac-au-tac, voire même de tuer des projets concurrents dans l'œuf. Sans parler d'iTunes et de l'App Store, que le DG d'
Apple ne pouvait pas ne pas mentionner : pour l'iPad comme l'iPhone, l'approche intégrée d'
Apple serait «
meilleure » : «
elle enlève de la complexité, au lieu d'obliger les gens à être eux-mêmes des intégrateurs [NdT : il évoque ici les différentes boutiques d'applications ou le problème des mises à jour d'Android]. Plus nous pourrons mettre l'iPhone dans les mains des gens, plus ils l'aimeront. Même chose pour l'iPad. »
Le succès de l'iPad, un risque de cannibalisation pour le Mac ? Même si les ventes de Mac sont un nouveau record pour
Apple, elles sont légèrement en dessous des prévisions des marchés : la question de la cannibalisation par l'iPad est donc venue sur la table. «
Je ne suis pas sûr qu'il y ait cannibalisation, mais oui, je pense qu'il y en a un peu. Mais je pense aussi qu'il y a un effet halo d'un produit Apple pour un autre produit Apple. ». Il explique : «
si le Mac et l'iPad étaient deux sociétés séparées, que ferait la société Mac pour concurrencer l'iPad ? Le MacBook Air » ; iPad et MacBook Air ne sont pas concurrents chez
Apple, ils partagent : le MacBook Air a récupéré de l'iPad son SSD et sa faculté de sortir de veille instantanément. «
Nous ne pensons pas une minute à la cannibalisation quand nous concevons des produits […] Ce qui nous importe est de créer des produits que les gens veulent vraiment », martèle le directeur général d'
Apple.
Il se permet même un petit retournement de situation : «
si l'iPad et les tablettes cannibalisent le marché de l'ordinateur personnel, les concurrents perdent alors bien plus nous qui n'y avons qu'une petite part de marché. Nous avons bien plus à gagner. S'il y a cannibalisation, c'est donc une cannibalisation qui fait du bien » lance
Tim Cook avec le sourire : au final,
Apple gagne quand même. Et c'est bien l'enseignement qu'il faut tirer de ces excellents résultats : peu importe comment on triture les chiffres,
Apple gagne sur tous les tableaux.
(Source : MacGeneration)